ÉPINAL ET LA T.S.F
Photo tirée de l’Illustration du 05.06.1909. N°3458 - (permettant de distinguer nettement l’antenne en nappe).
Épinal, Cité des Images, ville de garnison, très connue par son Régiment de Transmissions (dissout le 1°juillet 1997), au sein duquel a été mis au point le célèbre R.I.T.A. (Réseau Intégré de Transmissions Automatique), l’est beaucoup moins de par sa station militaire de Télégraphie Sans Fil du début de ce siècle. Épinal comptait parmi les places fortes avec Toul, Verdun et Belfort. Dés 1904 était installé un Bureau Central de Télégraphie. Par Décret du 2 juin 1908, il a été acheté un terrain de 1 hectare 25 ares 50 pour édifier une station de Télégraphie Sans Fil, au lieu dît « La Cense Billot », sur la Commune de Chantraine, à proximité de ce qui était en 1885 le Poste Optique de la Cense Billot. La station de La Cense Billot date de 1909 (arrêté du 16 décembre 1908). Dans « Épinal à la Belle Époque », l’abbé Robert JAVELET écrit « à la Cense Billot, une antenne suspendue à quatre pylônes, mettait le camp retranché en communication directe avec Paris . Épinal fut un des premiers centres de T.S.F. ». J. du MONTRUT, dans « L’ILLUSTRATION » numéro 3458 du 5 Juin 1909, page 384 nous apporte les précisions suivantes :
« LA TÉLÉGRAPHIE SANS FIL A ÉPINAL :
On vient d’achever la station
radiotélégraphique dont l’installation avait été décidée à Épinal.
La situation de la ville, au milieu d’un massif boisé et montagneux,
présentait d’autant plus de difficultés que l’antenne ne doit être
masquée, dans son voisinage immédiat et dans la direction du
correspondant, par aucun obstacle conducteur, par exemple les
arbres.
Après avoir rendu de grands services,
la station à complètement disparu, le démontage des pylônes a été
effectué après la Grande Guerre. Il arrive encore en creusant le sol
que l’on y trouve des morceaux de zinc, et de fils électriques. Dans son livre : “ De la T.S.F. à l’électronique - HISTOIRE DES TECHNIQUES RADIOELECTRIQUES ”, E.T.S.F. 1975, Mr A. VASSEUR, nous apprends que : “ Employant alors de grands ballons
de l’aérostation militaire qui peuvent soutenir des antennes de 300
à 400 mètres, Ferrié réalise en 1903 des liaisons entre le poste de
Meudon et les places-fortes de l’Est (350 km). Il obtient ensuite
l’autorisation d’utiliser la Tour Eiffel comme support d’antenne,
son constructeur Gustave Eiffel en ayant fait l’offre en décembre
1903. ”
“ En
1905, les stations militaires de la Tour Eiffel, Maubeuge, Verdun,
Toul, Epinal et Belfort sont équipées d’émetteurs à étincelles rares
alimentés en courant alternatif.
D'autre part, Messieurs P. Dessapt, (http://perso.club-internet.fr/dspt/index.htm), et J.C. Pigeon, CHCR C20/RPH 138, nous informent que : Dans le livre de Joseph ROUSSEL "le premier livre de l'amateur de TSF ", édition de 1924, on note au sujet de la transmission des bulletins météorologiques français : Réseau de METZ sur 1450 m OE. Les postes d’émission sont : Châlons, Nancy, Epinal, Strasbourg, Mayence et Metz, transmettant les observations de Sommesous, Malzéville, Epinal, Luxeuil, Strasbourg, Mulhouse, Mayence, Metz, Thionville et Bitche sur OE (Onde Entretenue) 1450 m. Les observations de 10 heures sont de la forme BBBDD FCTT bétabb ce qui signifie : BBB = pression atmosphérique en 1/10 de mm de Hg (le premier chiffre 7 est supprimé) si la pression est de 755,1 mm de Hg le signal transmis est 551.
0 = stationnaire 2 = en hausse d'où en clair le message : 55108 6512 022 qui indique le temps qu'il faisait à EPINAL un certain jour de mars 1924 !!! Les stations sont désignées par un code : JK = Bitche, DA = Sommesous, HC = Luxeuil, EA = Malzéville, JA = Strasbourg, JB = Mulhouse, JF = Mayence, YC = Metz, JI = Thionville.
Sommesous (51),
il y avait donc une station météorologique à Epinal,
plus une station radio, qui transmettait les informations
météorologiques de Luxeuil et Epinal. A cette époque le Code Morse était déjà celui que nous utilis(i)ons. Par contre, la procédure radio était quelque peu différente : le naufrage du TITANIC (nuit du 14 au 15 avril 1912), inaugurait une nouvelle procédure avec adoption du signal de détresse S.O.S. au lieu de C.Q.D. Dans le « Manuel pratique de Télégraphie sans Fil » (hélas non daté, mais pouvant être situé vers 1913, et communiqué par Mr BROLLI déjà cité), on peut lire : « Chaque fois qu’un poste veut en appeler un autre, il est tenu de procéder de la façon suivante : 1/ Appels _._ ._ , signal répété 3 fois. 2/ Initiales du poste appelé répétées 3 fois. Note : le terme « indicatif » n’est pas utilisé. 3/ Envoi du mot « de » _.. . 4/ Initiales du poste qui appelle, répétées 3 fois. Alors commence la communication qui sera terminée par ._._. fin de transmission suivi de l’initiale de la station qui envoie. Parmi la liste d’indicatifs (terme ici utilisé), on trouve : TOUR EIFFEL : FL , et les stations du groupe « G » : EPINAL EN, BELFORT : BT, TOUL : TL, VERDUN : VR.
Indépendamment des initiales indicatives de chaque poste, leur tonalité et les heures approximatives de leurs transmissions permettront de les reconnaître facilement. Le puissant poste de la Tour sera reconnu, le matin pour les signaux horaires et de BCM (Bureau Central Météorologique de Paris), par ses émissions à étincelles rares et le soir, pour le service de la Marine et les nouvelles de presse, par ses émissions chantantes. Plus loin, on note qu’à 13 heures, Paris Tour EIFFEL, initiales : FL, correspond avec les Forts de l’Est, sur 2200 m de longueur d’onde, (soit 136,36 kHz de notre “ ère ” !). “ (...) Outre ces grands postes, (Norddeich, Cleethorpes, Poldhu, Clifden (dont la longueur d’onde est 6 fois FL environ, et une grande puissance), on pourra entendre ceux du service de la marine (Dunkerque, Cherbourg, Brest, Lorient, Rochefort, Ajaccio, presque tous à émission non musicale), et ceux de l’Est répondre à la Tour Eiffel ou correspondre entre eux. Les postes de l’Est les mieux entendus sont Verdun, Belfort, Toul, Epinal. ”
Faute d’avoir pu trouver une description technique de la station d’Epinal, il faudra supposer qu’il y ait eu quelques similitudes avec celle de Belfort dont Mr Brolli nous livre les secrets : « C’est en 1908 qu’est installé un poste radiotélégraphique militaire permanent à Belfort. Jouxtant le petit arsenal, derrière l’hôtel de ville, ce poste fut construit en béton à l’épreuve (dalle et piédroits de 1,70 mètre) par l’entreprise Tournesac, de Belfort. Il a été démoli en mars 1988 pour permettre l’aménagement d’un parking. L’antenne était constituée de cinq fils de cuivre tendus entre les pylônes du Château et le quartier Vauban (cité administrative actuelle), puis se prolongeant vers le poste dans lequel ils entraient, réunis en faisceau. On trouve encore aujourd’hui assez facilement des cartes postales de cette époque sur lesquelles figure la caserne du Château surmontée des cinq pylônes métalliques.
Belfort fortifications VAUBAN (2006)
Belfort en 1727 Le poste T.S.F. comprenait :
L’énergie électrique est produite par un alternateur accouplé à sa dynamo excitatrice et entraîné par un moteur à pétrole lampant. Le transformateur élève la tension sinusoïdale à basse fréquence générée par l’alternateur à la valeur de charge du condensateur, soit 30 000 Volts. Le circuit de décharge, ou d’excitation, produit la haute fréquence nécessaire à la transmission. Il se compose d’un conducteur qui relie une armature du condensateur à l’un des cylindres de l’éclateur (ou excitateur), et d’un conducteur reliant la deuxième armature à l’autre cylindre de l’éclateur par l’intermédiaire de l’enroulement primaire d’un transformateur Tesla ou Oudin (primaire et secondaire non séparés). Lorsque la tension aux bornes du condensateur atteint une certaine valeur, une étincelle se forme entre les cylindres de l’éclateur. Il s’ensuit une décharge oscillante du condensateur, transmise à l’antenne. Les conducteurs du circuit d’excitation ont une très grosse section, donc une faible résistance, afin que la décharge soit le plus faiblement amortie pour éviter de trop grandes fluctuations de l’onde émise par l’antenne. Le rhéostat double associé au manipulateur est réglé de telle façon que la tension aux bornes du condensateur soit trop faible pour produire une étincelle dans l’éclateur. Il n’y a donc pas d’émission d’ondes. Mais lorsqu’on ferme le manipulateur, une partie du rhéostat se trouve court-circuitée, et la tension dans le circuit de décharge devient suffisante pour produire des étincelles, et par conséquent des oscillations dans l’antenne. Il y aura donc émission d’une onde radioélectrique pendant les périodes de fermeture du manipulateur, les durées de celles-ci étant fonction du message codé en Morse. Ces systèmes à circuit oscillant étaient limités en puissance. Aussi les recherches s’orientèrent-elles rapidement vers d’autres techniques.
Intéressons nous à présent à la réception.
Ces réglages se font en deux temps. En premier lieu, on se sert du résonateur omnibus pour explorer l’espace afin de rechercher le correspondant. Une fois celui-ci grossièrement localisé, on positionne l’inverseur sur le résonateur à induction qui, opérant un filtrage beaucoup plus fin, élimine les parasites et les transmissions étrangères. Il reste à écouter le message au moyen du détecteur. Le détecteur alors en usage était le détecteur électrolytique du capitaine Ferrié, inventé en 1900.
Si la tension entre les électrodes est suffisamment élevée, le courant passe, l’électrolyse de l’eau se produit et on entend un son dans le téléphone. Si cette tension diminue progressivement, il arrive un moment où la résistance de la bulle gazeuse qui s’était portée à l’électrode + et entoure la pointe de platine s’opposera au passage du courant et le téléphone restera muet. Mais il suffit d’une augmentation très légère de potentiel pour rétablir le passage du courant. Cet appoint de potentiel est fourni par les ondes recueillies par le circuit récepteur. Le potentiomètre permet de faire varier la composante continue et, ce faisant, de régler la sensibilité du détecteur. C’est ainsi qu’un signal tel que celui que nous avons considéré à l’émission donnera lieu dans le téléphone, selon la présence ou l’absence d’ondes, à des bruits de plus ou moins longue durée qu’il suffira de transcrire en Morse. Si le nombre des étincelles qui se forment dans l’éclateur du circuit émetteur n’excède pas 400 à 500 par seconde (étincelles rares ou ronflées), le son que l’on entend dans le téléphone s’apparente à un bruit de friture ou de roulement de tambour. Dans le cas où il y a plus de 500 étincelles par seconde, on entend une note de musique et on parle d’étincelles musicales. On peut alors aisément distinguer les postes entre eux et par rapport aux perturbations atmosphériques. Son alternateur fournissant une tension à 50 périodes par seconde, le poste émetteur de Belfort produisait des étincelles à un rythme d’environ 100 par seconde, donc des étincelles ronflées. La production d’étincelles musicales était d’ailleurs impossible avec ce type de poste, et ne sera réalisable que quelques années plus tard.
Le poste radiotélégraphique de Belfort communiquait couramment avec la tour Eiffel et les trois autres places de l’Est. Au cours d’expériences, il parvint à recevoir les postes de Lorient, Lyon, Marseille, Alger, Nordreich et Nauen (Allemagne), Strasbourg, Metz, et le poste anglais de Clifden. »
- Mr BROLLI, de la Société Belfortaine d’Emulation, - Mr P. DESSAPT, (http://perso.club-internet.fr/dspt/index.htm), - Mr J.C. PIGEON, CHCR C20/RPH 138, - Mr GUERICOLAS, de la Mairie de Chantraine, - Mr MATTHIEU, président de l’Association des Anciens des Transmissions, - Mr MONVOISIN, président de l’Association Iconographique et Cartophile d’Epinal, - Mr UNTEREINER, de l’ARFUP - Epinal, - La Bibliothèque Municipale d’Epinal.
|