F6IQS / Ange BIAGGIONI
source : F.N.R.A.S.E.C  Bulletin  d’information / juillet 2004

 

« Souvenirs d’un opérateur radiotélégraphiste :

Il est un âge où l’on aime bien faire des retours en arrière dans ses souvenirs. Je suis né le 20 octobre 1929 à FERRYVILLE
en Tunisie d’un père Corse né en Corse et d’une mère Bretonne née en Normandie. Après la guerre j’ai eu la chance d’être
Eclaireur de France où j’ai appris beaucoup de choses entre autre l’alphabet morse, à m’orienter, à me servir d’une carte,
la camaraderie, la solidarité, la résistance à l’effort, le désir de progresser, etc…

 

En 1946 je partais de Tunisie en Allemagne en forêt noire avec la responsabilité de 12 camarades comme chef deatrouille. A 18 ans j’ai été instituteur intérimaire en école franco-arabe, pas longtemps car malgré un poste à temps
plein offert pour la rentrée, j’ai préféré prendre un engagement de trois ans dans l’arme des transmissions.
 
Le 24 février 1948, je signais donc un engagement de trois ans au 45° régiment de transmissions. A Ben Aknoun (près d’Alger)
existait un centre de formation de futurs sous-officiers des transmissions. J’y faisais mes classes et recevais la formation
d’opérateur radio de campagne et de chef de poste radio de campagne. Mon premier réseau radio était fait à l’aide d’ER
17 (poste militaire français de l’époque) au quatre coins d’un terrain de football. A l’issue de cette formation j’étais affecté
au 44° bataillon des transmissions à Tunis.
 
Sergent en 1949 je présentais le concours d’intégration à l’Ecole des officiers de Saint Cyr. Ayant raté l’épreuve de math je
ne fus pas reçu. De retour à Ben Aknoun pour un stage de 3° degré d’exploitation radio (mon unité ayant fait une erreur,
le stage prévu n’était pas d’exploitation mais de technique des transmissions, dépannage) je décidais de rester et suivre ce
stage. Me voila donc dépanneur.

SCR399  BC614   BC342

De nouveau dans mon bataillon arrivait la désignation pour un séjour en Indochine. Le 19 avril 1950 je prenais le bateau à
Toulon pour Saïgon. Après 19 jours de mer je suis affecté au 821° bataillon de transmissions. Vu mes spécialités j’étais
destiné à servir à la SRM (section radio mobile). Après m’être remis à la lecture au son je servais comme chef de poste
radio sur Dodge 4x4 équipé d’un SCR 193 (émetteur BC 191, 80 watts, récepteur BC 312), puis sur SCR 399 (émetteur
BC 610, 400 watts, deux récepteurs un BC 312 alimenté en 12 volts continus, un BC 342 alimenté en 110 volts alternatifs).
L’ensemble installé dans un shelter sur GMC tirant un groupe électrogène fournissant 110 volts alternatifs et une puissance
10 Kws, entraîné par un moteur de jeep.
 
 
 
Cet ensemble très bien équipé en matériel de rechange,antennes filaires, mâts de montage, antennes sur le shelter permettait
une autonomie totale. C’est avec ce matériel que j’ai pu faire de grosses opérations en Cochinchine et même assurer en
exercice la relève du BCR (Bureau Central Radio) de Saïgon (FLZ) en réalisant le trafic radioélectrique avec Paris (FLE5),
Hanoï (TTV), Haïphong (TTH), Vientiane et les ambassades de Tokio, Bangkok et Singapour. Jugé comme un bon radio
exploitant j’étais désigné pour servir au BCR où je trafiquais sur le réseau secteur dont l’indicatif était FLZ4 et
qui comprenait les stations fixes suivantes : Nha Trang (TTN), Phnom-Penh (TTP), Hué, Ban-Me-Thuôt, Plé-ku,
Savanaket (TTS), Dalat (TTD).
 
Port de SAÎGON

 

En 1951 mon volontariat pour le Tonkin où il fallait des radios destinés après un stage de parachutiste à être parachutés sur
des postes où le radio avait été tué, m’a été refusé par mon chef de section. Furieux je me faisais hospitaliser pour une
maladie imaginaire.

A l’hôpital je tombais malade vraiment. J’en profitais pour demander une mutation sanitaire pour le Tonkin… J’étais muté à Nhatrang (sud Annam)
où j’assurais la fonction de chef de quart radio. nous tournions à trois, c’était plus fatiguant qu’à Saïgon où nous tournions à quatre. En dehors de
 mes quarts radio, je faisais de l’écoute des radioamateurs. J’étais déjà inscrit au REF depuis un an avec le numéro 8134.
 
J’ai alors tenu un carnet d’écoutes que j’ai ouvert de nouveau une fois à la retraite en 1983. J’ai retrouvé avec une certaine émotion
l’inscription d’indicatifs d’Allemagne, du Brésil, des Philippines, des USA, d’Angleterre, d’Espagne, d’AOF (Afrique Occidentale Française) et enfin de France.
 
L’Indochine est à 25.000 Kms de la France. Indicativé à mon tour en 1983, je décidais d’expédier des QSL d’écoute aux Français que j’avais écoutés à Nhatrang en mai 1952. A ma grande joie, j’ai eu deux réponses très enthousiastes. Au moisde juillet 1952 je rentrais en France. Après un congé de fin de campagne j’étais affecté à Ben Aknoun où j’assurais la fonction d’instructeur radio pour les candidats à l’échelle 4 que je ne possédais pas alors.
 
 
En septembre 1953 je présentais à Strasbourg un concours d’admission à la préparation à l’admission à l’école de formation des officiers de Saint-Cyr– Coëtquidan. Je réussissais. Après un an de préparation j’étais admis à Saint-Cyr en octobre 1954. En octobre 1955 je sortais avec le grade de sous-lieutenant d’artillerie (les places dans les transmissions étaient trop chères). Nous étions 76 ex-transmetteurs, il n’y avait que 15 places. J’étais pourtant bien classé puisque j’occupais la dernière place de la première moitié. Après un stage de six mois à Châlons-sur-Marne (écourté à cause de la guerre d’Algérie), je sortais sous-lieutenant d’artillerie. L’artillerie ne m’inspirant pas j’étais volontaire pour un stage de formation d’observateur pilote dans l’ALAT (aviation légère de l’armée de terre).

 

Ce stage comprenait une pré-sélection sur avion (stamp, un monomoteur bi-plan en toile apte à l’acrobatie) que j’effectuais à Saint-Yan à l’école nationale de vol à moteur.Reçu 2ème à ce stage j’effectuais à Saumur puis à Barcelonnette (stage montagne) une formation de pilote d’hélicoptère sur Bell 47 G2. J’en sortais avec le brevet n° 229 d’observateur pilote d’hélicoptère en octobre 1956.

Massif du Hoggar Algérie

Affecté au GAOA 5 (groupe d’Aviation d’Observation d’Artillerie n° 5), en Tunisie, je rejoignais aussitôt. En débutd’année 1957 j’effectuais mes premières évacuations sanitaires au cours d’opérations sur la frontière algéro-tunisienne. En avril 1958, après avoir suivi un stage de formation sur hélicoptère moyen (Sikorsky S55), j’étais affecté au GH 2 (groupe d’hélicoptères n° 2) à Sétif (Algérie). Transformé sur hélicoptère lourd (Vertol H 21, appelé « banane »), j’effectuais un séjour dans le Hoggar où je créais
un détachement ALAT au profit du CEA (Comité à l’Energie Atomique). C’était à In Amguel (160 kms au nord de Tamanrasset) où s’effectuaient les explosions nucléaires expérimentales souterraines. J’assistais à trois explosions.

L’une d’elles ayant eu un incident grave, j’ai été irradié et contaminé. Apparemment, je n’ai pas eu de séquelles. De retour en France en mars 1963, j’effectuais un stage de transformation sur avion, un cadeau de mon général commandant l’ALAT, pour me récompenser des services rendus après un si long séjour en Algérie sans permission. J’étais alors affecté au GALDIV 3 (Groupe d’Aviation Légère de la 3ème Division), pour prendre le commandement de l’Escadrille d’Hélicoptères de Manœuvres avec le grade de capitaine. Comme jeune capitaine, j’étais nommé Chevalier dans l’ordre National de la Légion d’Honneur.

En 1968 j’étais muté à Tarbes dans un GALAT pour prendre les fonctionsd’adjoint et officier opérations. En 1970, cette unité étantdissoute j’étais affecté au GALDIV 3 (Groupe d’Aviation Légère de la 3ème Division parachutiste) pour prendre la fonction de commandant de l’Escadrille d’hélicoptères de Manœuvre, puis d’Officier Adjoint. En 1974, volontaire pour succéder à un camarade j’étais affecté au Tchad. Je prenais le commandement comme chef de corps du Détachement ALAT du Tchad. Celui-ci comprenait 10 hélicoptères Pumas SA330, 3 avions d’observation Piper L19 et une alouette II de l’armée de l’air, une centaine de personnels d’active. J’étais aussi commandant d’armes de la ville où nous stationnions, la deuxième ville du Tchad 50.000 habitants, SARH (ex- Fort-Archambault). J’étais alors Chef d’Escadron (commandant).

De retour en France en 1975, j’étais affecté à l’EA.ALAT (Ecole d’Application de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre) pour prendre la fonction de grand adjoint Base. Cette fonction me confiait la responsabilité de 800 hommes du rang, 24 officiers, 76 sous-officiers, 20 personnels civils. Mes attributions étaient le centre d’instruction, l’infrastructure, le casernement, le service auto, la sécurité militaire, les sports, l’Escadrille de commandement et des Services, la sécurité du travail.

Nommé Lieutenant Colonel j’étais de nouveau volontaire pour le Tchad en 1978 pour prendre la fonction de conseiller technique du commandant de l’Armée de l’Air Tchadienne à N’Djamena (ex Fort Lamy). J’avais en plus le commandement du Détachement ALAT du Tchad comprenant 3 hélicoptères Pumas SA330, 2 hélicoptères Gazelles SA342, du personnel officier et sous-officier français et tchadien ainsi que 7 mercenaires.

De retour en France en juillet 1980, affecté à l’ES.ALALAT (Ecole de Spécialisation de l’Aviation Légère de l’Armée de Terre), je prenais le commandement du Groupe d’Hélicoptères de Manœuvres en attente d’une mutation dans les Emirats pour constituer un détachement ALAT.

La création de ce détachement ayant été annulée pour cause de guerre Irak Iran, je décidais de mettre prématurément fin à ma carrière militaire le 19 octobre 1981 avec le grade de Colonel (4 ans avant la limite d’âge). Mes titres : Observateur moniteur pilote d’hélicoptères légers et lourds, pilote avion léger, qualifié aux instruments sur hélicoptère. Huit titres de guerre dont un tchadien, officier de l’Ordre National du Mérite, Commandeur de l’Ordre National de la Légion d’Honneur, Médaille de l’Aéronautique, Médaille d’honneur du Service de Santé des Armées. »

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